Le statut des mineurs dans l'airsoft
L’airsoft est un loisir qui se démocratise de plus en plus en France. Nombreuses sont les personnes à découvrir ce loisir et à se laisser tenter.
Parmi ces personnes, il y a bien entendu des mineurs, sujet sensible et ouvert à un débat enragé et sans fin.
Du coup, dans cet article, voyons ce qu’il y se dit sur le sujet (et il y en a des choses à dire !).
1- Que dit la loi ?
Plusieurs lois viennent toucher le cadre de l’Airsoft en France. Celle qui nous intéresse le plus actuellement est en fait un décret, le 99-240 publié le 24 Mars 1999 et qui est relatif aux conditions de commercialisation de certains objets ayant l'apparence d'une arme à feu.
Le contenu de ce décret est trouvable en intégralité sur Légifrance.
Il n’est pas bien long car il comporte 6 articles tous liés aux conditions de commercialisation de divers objets ayant l’apparence d’une arme à feu, dont nos répliques, puisque celui-ci encadre les répliques propulsant des projectiles ayant une énergie entre 0.08 et 2 joules en sortie de bouche. En dehors de ces limites, nos répliques ne sont plus impactées par ce décret.
En effet, une réplique d’airsoft tirant à 2.1 Joules reste bel et bien une réplique d’airsoft : l’objet et sa mécanique ne change pas par rapport au même modèle développant 1.9 Joules. Cependant, aux yeux de la loi il n’est pas encadré de la même manière.
2- Dans quel contexte ce décret est né ?
Je pense qu’il s’agit d’un point important dans la compréhension de ce décret et de pourquoi il est tel qu’il est. Un point qu’il faudra garder en tête dans les paragraphes suivant, quand nous parlerons des points de vue des deux partis.
Attention toutefois, je ne suis pas juriste, avocat ou quoi que ce soit ayant un rapport de près ou de loin avec la loi. Mes connaissances en ce domaine sont donc limitées et peut être erronées. De plus, au moment des faits que je vais évoquer je n’étais pas encore airsofteur et n’ait donc potentiellement pas tous les éléments en tête.
Car en effet, avant ce fameux décret de 1999, l’airsoft, ou du moins les répliques d’armes utilisées dans le cadre de la pratique de l’airsoft, n’étaient pas du toute réglementé malgré leur caractère très spécifique.
On se retrouvait donc avec un objet ayant plutôt la fonction d’un jouet mais qui pouvait très bien être traité comme une arme de catégorie 4 ! Alors du coup ça la foutait mal de vendre des armes de catégorie 4 à des gosses dans des magasins de modélisme.
En effet, si nous reprenons le décret de 1995 sur la catégorisation des armes qui était le décret en vigueur à l’époque (ce qui n’est plus le cas depuis 2013, la loi à ce niveau a été retravaillée), on retrouvait dans la catégorie 4 ceci :
« Paragraphe 9 : Armes semi-automatiques ou à répétition ayant l'apparence d'une arme automatique de guerre quel qu'en soit le calibre. »
Pour le coup, une réplique d’Airsoft rentrait très bien dans cette case. Votre M16 Marui avait la tête d’une arme de guerre et pouvait tirer en semi-automatique ou à répétition. Il était donc une arme de catégorie 4… en plastique projetant des billes de 6mm en plastique à une vitesse ridicule de 280 pieds par seconde.
De plus, une circulaire datée du 6 mai 1998 (tiens tiens, deux semaines avant le début de la coupe du monde de football de 1998 en France …) et adressée aux préfets de France avait pour but d’interdire le port et le transport des objets ayant l'apparence d'une arme à feu dans « les lieux publics et notamment sur les voies publiques, dans les transports publics, dans les établissements scolaires et leurs abords et dans les parcs et les jardins publics ou ouverts au public en tenant compte des circonstances locales. ».
Bon, pour le port, Ok, mais du coup même le transport des répliques devenait interdit dans les lieux publics : la rue, le bus, le métro etc. ce qui était en soit bien handicapant pour aller à sa partie du dimanche.
J’ai beaucoup de mal à trouver des sources à ce sujet, mais j’ai eu vent de personnes pratiquant l’airsoft à cette époque-là d’une interdiction de l’Airsoft. Je pense qu’il ne s’agit là que d’une version simplifié de l’histoire et que ce sont surtout les raisons citées ci-dessus et le contexte du moment (coupe du monde, évènement majeur) qui ont, de fait, poussé l’Airsoft dehors.
Quoi qu’il en soit, l’airsoft est revenu sur le devant de la scène grâce au fameux décret de 1999 qui lui donnait enfin un cadre juridique et légal. Ce décret est vraisemblablement né grâce à 3P, l’ancêtre de Cybergun qui avait un marché à défendre.
Du coup, maintenant que l’airsoft est bien en place en France, qu’un décret le régule, on a forcément deux clans : les mineurs (et défenseurs des mineurs) vs les «anti-mineurs ».
Chaque clan à ses raisons et ses arguments pour défendre son bout du steak et le but ici est de les résumer sans pour autant être exhaustif (ce serait trop long et certains arguments sont vraiment à côté de la plaque, du coup je fais faire le « Best of »).
3- Que disent les défenseurs des mineurs ?
Dans le camp des défenseurs des mineurs, les arguments sont assez nombreux et certains sont assez justes.
Bien sûr, l’argument majeur (lol, grosse vanne !) est celui de la maturité : « Un joueur majeur n’est pas nécessairement plus mature qu’un joueur mineur ».
Il va souvent de pair avec les arguments du type « Le paintball est accessible avant 18 ans, pourtant les lanceurs sont plus puissants » ou encore « Il est possible de faire du tir sportif / de la chasse avant ses 18 ans et donc d’utiliser une vraie arme »
Le second gros argument en faveur des mineurs vient d’une interprétation du texte de loi : le fameux décret de 1999.
En effet, celui-ci stipule qu’il est « relatif aux conditions de commercialisation de certains objets ayant l’apparence d’une arme à feu ».
Ce qu’il est important de retenir ici est le « conditions de commercialisations ». Ces trois mots laissent ces personnes interpréter ce décret comme s’adressant aux commerçants, aux professionnels de la vente uniquement. De fait, un parent achetant une réplique pour son fils mineur ne serait pas contraint par ce décret et pourrait donc faire don à son fils de ladite réplique.
Le mineur se retrouverait donc ici théoriquement en possession d’une réplique d’une manière tout à fait légale.
On peut retrouver ensuite d’autres arguments plus éloignés mais pas nécessairement faux.
Par exemple, comme le décret ne parle que des objets ayant l’apparence d’une arme à feu, rien n’empêcherai à un mineur d’acheter séparément les pièces d’une réplique et de l’assembler lui-même.
Dans ce cas-là, il serait en possession d’une réplique d’airsoft sans pour autant en avoir fait l’acquisition.
4- Que disent les opposants aux mineurs ?
Les opposants aux mineurs sont bien plus terre à terre et moins fantaisistes dans la recherche de leurs arguments. La plupart du temps leur argumentation se résume à un rappel du décret, qui est, selon eux, à prendre tel qu’il est.
Il est pour eux évident que ce décret est là pour réguler la possession des répliques d’arme à feu utilisées pour l’airsoft afin que celles-ci ne tombent pas dans les mains de mineurs.
Dans leur argumentation, ils avancent que même si le décret n’était destiné qu’aux professionnels de la vente, son but est clairement d’empêcher à un mineur de posséder ce type de réplique et que l’interpréter autrement ne serait qu’un moyen dérivé pour enfreindre ce que cette loi se veut être.
En gros il s’agit d’une argumentation « non c’est non » et « Si maman a dit qu’elle ne te donnerait pas de bonbons c’est pour que tu n’en ai pas, c’est pas en en demandant à papa que tu vas faire ton malin ! »
5- Et il en pense quoi le trouillard masqué derrière son PC ? Que propose-t-il ?
Evidemment, il faut bien qu’à un moment je l’ouvre pour donner mon point de vue car j’imagine bien qu’après avoir exposé les arguments des deux bords vous vous demandez de quel côté je penche.
Alors soyons claire, dans l’état actuel des choses je suis du côté d’une lecture rigoureuse du décret et je prends le parti de l’interdiction de la pratique de l’airsoft des mineurs.
Bien entendu je ne suis pas sectaire ou fermé et si je fais ce choix c’est pour diverses raisons.
Déjà, par ce que la loi c’est la loi et que des précisions sur ce décret ont été apportés ces dernières années par diverses instances, précisant bien que le décret s’adresse aussi bien aux personnes physiques que morales, c’est-à-dire aussi bien les entreprises ou associations que des personnes.
D’autre part, par ce que la pratique de l’airsoft telle qu’elle est actuellement n’est pas prête à accueillir des joueurs mineurs.
En fait, plutôt qu’un partisan d’un Airsoft sans mineurs, je serais plus un partisan d’une refonte de la législation sur l’airsoft (on le sent que l’article sort pendant les campagnes pour la présidentielle là ?).
Selon moi, les arguments des mineurs disant qu’il n’est pas logique qu’ils puissent pratiquer le paintball mais pas l’airsoft sont assez justes même si dans le cadre actuel, la loi c’est la loi.
Cependant, vu l’ampleur que prend l’airsoft ces dernières années, ce décret vieux de presque 20 ans et né, peut-être dans l’urgence, pour effacer un flou juridique sur les répliques d’airsoft, ne fait plus l’affaire. L’airsoft de 2017 n’est plus celui de 1999 et de nombreux nouveaux arrivants viennent par internet et le monde des jeux vidéo. Il est donc normal de voir la moyenne d’âge des airsofteurs baisser.
Toutefois, pour gérer cette nouvelle génération d’airsofteur, je pense que l’airsoft doit être plus encadré sans pour autant être (trop) restrictif.
A mon sens nous devrions avoir une vraie et unique fédération officielle, des clubs déclarés auxquels les joueurs pourraient adhérer (ou à défaut adhérer à la fédération en freelance). Les terrains et associations fédérées seraient alors aptes à accueillir des joueurs licenciés parmi lesquels il pourrait y avoir des joueurs de 15/16 ans. Je ne parle bien entendu pas de régulation des répliques ou de leur acquisition mais un meilleur contrôle des joueurs / associations et terrains pour pouvoir ouvrir un peu plus l’accès aux terrains.
Resterait à définir un cadre pour les assurances etc.
J’ai conscience que tout cela est très utopique et je suis ouvert au débat : que pensez-vous de cette situation ? Trouvez-vous que l’airsoft est bien dans sa forme actuelle ou qu’il doit évoluer ?